PARIS

La Pride des Banlieues à Saint Denis

Manifestation Parade LGBTQI+ dans les rues de Saint Denis

Un rendez-vous manqué

English text after the pictures

“Cela fait des années que je travaille dans les quartiers du nord de Paris,  j’étais particulièrement curieux d’assister à cette manifestation. Je souhaitais voir comment deux cultures en apparence diamétralement opposées pouvaient communiquer. En effet, Saint-Denis a toujours été un quartier ancré dans une culture patriarcale, étant autrefois un bastion du parti communiste. Aujourd’hui, sa population est principalement composée d’immigrés qui partagent également cette culture patriarcale.

Il est toujours difficile d’écrire sur le mouvement LGBT quand on n’en fait pas partie. D’ailleurs, dès que je suis arrivé sur place, le service d’ordre me l’a clairement fait comprendre. Alors que tout le monde prend des photos, des jeunes filles viennent me voir pour me notifier que je dois demander à chaque personne l’autorisation de les photographier. Ça commence mal, je ne fais clairement pas partie de la bande. Peut etre à cause de ma tenue ?

Je réponds que c’est une manifestation publique qui a lieu dans un espace public, et que mon intention n’est pas de faire des portraits. Je leur rappelle que nous nous sommes battus pour le droit à l’information et que la loi française s’applique à tous, etc. 

“Le cortège se met en mouvement et traverse des rues désertes, probablement en accord avec la police afin d’éviter les incidents. 

Pour atteindre la place de la mairie où se déroule le rassemblement, il est nécessaire de traverser la rue de la République, l’artère la plus commerçante de Saint-Denis, où de nombreuses femmes vêtues de voiles et d’abayas font leurs achats. La tension est palpable parmi les forces de l’ordre. Finalement, la manifestation s’engage dans la rue et les passants, surpris, curieux, perplexes, moqueurs ou choqués, observent le cortège passer. Aucune équipe de télévision, ni même Brut, n’est présente.

Il est évident que les manifestants ne cherchent pas activement le dialogue. Ils semblent plutôt être là pour affirmer leur présence et leur droit à exister. Mais il n’y a aucun contact avec la population. 

Des passants commencent à m’interpeller. 

Ils semblent avoir envie de discuter.

“Une femme m’interpele, 

‘Et vous, le journaliste ?’ (apparemment, je dois avoir une allure de journaliste).

‘Qu’est-ce qu’ils viennent faire chez nous ?’ 

Est-ce qu’on irait manifester contre l’islamophobie dans le Marais avec un drapeau vert ?’

Une autre reprend en pointant du doigt une femme avec les seins à l’air, portant l’inscription ‘Dieu m’aime’.

Nous , ‘On nous reproche de porter le voile’,

‘Est-ce que ce n’est pas une provocation ? N’est-ce pas choquant ?’  Insiste elle. ‘

Pour qui se prend-elle ? 

Pourquoi on nous emmerde avec le voile alors qu’elle se balade les seins nus?

Que vient faire Dieu dans tout ça?’

Un homme, au sourire  moqueur, une cigarette au bec et une casquette à l’ancienne vissée sur la tête, ajoute :

 ‘Moi, je suis communiste. 

De toute façon, ce sont des enfants de bourgeois qui viennent nous donner des leçons. 

Ils n’habitent même pas Saint-Denis. 

De mon temps, ici, c’était la lutte des classes. 

Aujourd’hui, on ne sait plus.’

C’est la lutte des sexes?

D’autres femmes en abaya rigolent incrédules tout en filmant la scène, une autre se cache le visage. La situation rend difficile la prise de photos, les deux groupes ne se mêlent pas. J’espérais voir des rencontres, des discussions, mais malheureusement, rien de tel ne se produit. Deux univers s’ignorent simplement. Les uns comme les autres demandent  à être acceptés tels qu’ils sont.

Intrigué, je m’approche d’une jeune femme voilée en abaya enveloppée dans un drapeau LGBT. Une personne du service d’ordre s’interpose immediatement  et me demande de ne pas la photographier, en précisant :

C’est une “jeune racisée. 

La situation devient vraiment compliquée. Soudain, quatre jeunes garçons interpelent une femme enveloppée cette fois dans un grand drapeau algérien.

Comment pouvez vous mêler l’Algérie à ce truc? 

 “C’est une honte !” 

Quelques minutes plus tard, la jeune femme, un peu effrayée, retire son drapeau. 

Puis, un œuf explose sur le pavé. Ce sera le seul incident de la journée.

Nous arrivons sur la place de la mairie, juste en dessous de la majestueuse basilique des rois de France. 

Un homme, assis à une terrasse, m’invite à prendre un café. Lui aussi semble avoir envie de discuter.

“vous le journaliste, qu’en pensez-vous ?” me demande-t-il, “

Et C’est quoi ce drapeau arc-en-ciel sur la façade de la mairie ? 

Saint-Denis n’est pas une ville ‘gay’ ! 

Et la mairie n’a jamais hissé le drapeau vert pour soutenir la lutte contre l’islamophobie. 

Quelle est la différence ?”

Soudain, la jeune femme aux seins nus apparaît, 

L’homme pousse un gros soupir.

“Pourquoi vient-elle nous provoquer ?”

Je jette un regard à nouveau sur le drapeau LGBT qui orne  la façade au coté des drapeaux français et européens.  Juste au-dessus,  le mot “Égalité” est gravé dans la pierre. Encore au dessus, sous les fleurs de lys, On peut  lire l’inscription 

“Montjoie Saint-Denys”

C’est le cri de ralliement des royalistes que j’ai entendu il y a quelques semaines. lors de la dernière manifestation de l’Action Française devant la statue de Jeanne d’Arc, 

L’histoire devient vraiment complexe. Est ce un remake du film “ les Visiteurs” 

Je reprends mon chemin, je suis confronté une fois de plus à l’interdiction de prendre des photos imposée par le service d’ordre. Les autres journalistes font également l’objet de cette exclusion croissante envers la presse. Cette fois-ci, je les “envoie bouler”  La police intervient, mais je refuse de céder. Ironiquement, les dernières personnes à m’interdire de prendre des photos étaient les Talibans.

J’en ai assez, je décide de rentrer dans mon quartier bobo du Marais. 

Au bistrot du coin, je retrouve un ami qui me demande des nouvelles. Je lui raconte brièvement mon escapade. Il éclate de rire. 

Il me fait alors remarquer que tous les passages piétons du Marais sont aux couleurs LGBT.

 ‘Lui aussi se demande pourquoi marquer ce territoire, est ce une réserve indienne?

Il a  contacté la mairie pour obtenir des explications, mais n’a toujours pas reçu de réponse.

En rigolant , Il me propose de peindre en bleu les paves la rue des Rosiers pour célébrer la lutte contre l’antisémitisme, puis d’aller à Barbès pour peindre en vert islamique les passages piétons du quartier.  Une manière symbolique, selon lui,  de combattre l’islamophobie. 

Je rentre chez moi un peu déçu. Finalement, cette manifestation reflète parfaitement certaines tensions sociales et culturelles au sein de la société française. 

Les différentes communautés se sont entrecroisées sans véritablement échanger. 

J’ai sans doute été naïf de penser qu’un dialogue était possible, on ne se débarrasse pas de sa culture ou de son éducation aussi facilement.

English

ENGLISH

I have long hesitated before publishing this story, which raises many truly interesting questions, especially during this “Pride Month.” For those who don’t feel like reading this long text, you can listen to Charles Trenet singing “Vous qui passez sans me voir” (You who pass by without seeing me). This song summarizes the situation quite well.

For the others, here’s the continuation. The “Pride of the Suburbs” in Saint-Denis A missed rendezvous “I have been working in the northern suburbs of Paris for years, and I was particularly curious to attend this event. I wanted to see how two seemingly diametrically opposed cultures could communicate. Indeed, Saint-Denis has always been a neighborhood rooted in a patriarchal culture, formerly a stronghold of the communist party. Today, its population is mainly composed of immigrants who also share this patriarchal culture.

It’s always difficult to write about the LGBT movement when you’re not a part of it. In fact, as soon as I arrived at the scene, the security made it clear to me. While everyone takes pictures, young girls come up to me to notify me that I must ask each person for permission to photograph them. It starts off on the wrong foot; I clearly don’t belong to their group. Perhaps it’s because of my appearance?

I respond that it’s a public demonstration taking place in a public space, and that my intention is not to take portraits. I remind them that we fought for the right to information and that French law applies to everyone, etc.

“The procession starts moving and crosses empty streets, probably in agreement with the police to avoid incidents. To reach the Town Hall square where the gathering takes place, it is necessary to cross Rue de la République, the busiest street in Saint-Denis, where many women wearing veils and abayas are shopping. Tension is palpable among the law enforcement officers. Finally, the demonstration enters the street, and passersby, surprised, curious, perplexed, mocking, or shocked, observe the procession passing by. No television crews, not even Brut, are present.

It’s evident that the demonstrators are not actively seeking dialogue. They seem to be there to assert their presence and their right to exist. But there is no contact with the population. Passersby start calling out to me. They seem to want to discuss.

“A woman calls out to me, ‘And you, the journalist?’ (apparently, I must look like a journalist). ‘What are they doing here in our neighborhood?’ Would we go demonstrate against Islamophobia in Le Marais with a green flag?’ Another one points at a woman with bare breasts, wearing the inscription ‘God loves me.’ ‘We’re criticized for wearing the veil,’ ‘Isn’t that a provocation? Isn’t it shocking?’ she insists. Who does she think she is? Why are we bothered about the veil while she parades around topless? What does God have to do with all this?’

A man, with a mocking smile, a cigarette in his mouth and an old-style cap on his head, adds, ‘Me, I’m a communist. Anyway, it’s bourgeois kids who come here to give us lessons. They don’t even live in Saint-Denis. In my time, it was the class struggle. Today, we don’t know anymore.’ Is it the struggle of the sexes?

Other women in abayas laugh incredulously while filming the scene, another one hides her face. The situation makes it difficult to take photos; the two groups don’t mix. I hoped to see encounters, discussions, but unfortunately, nothing of the sort happens. Two worlds simply ignore each other. Both sides demand to be accepted as they are.

Intrigued, I approach a young woman wearing a veil and an abaya, wrapped in an LGBT flag. Immediately, a member of the security team intervenes and asks me not to photograph her, specifying, “She is a young person of color.” The situation becomes truly complicated. Suddenly, four young boys confront a woman draped in a large Algerian flag, exclaiming, “How can you mix Algeria with this thing? It’s a shame!” A few minutes later, the young woman, somewhat frightened, removes her flag. Then, an egg explodes on the pavement. It would be the only incident of the day.

We arrive at the square in front of the town hall, just below the majestic basilica of the Kings of France. A man sitting at a terrace invites me to have a coffee. He also seems eager to discuss. “You, the journalist, what do you think?” he asks me. “And what’s with that rainbow flag on the façade of the town hall? Saint-Denis is not a ‘gay’ city! The town hall has never raised a green flag in support of the fight against Islamophobia. What’s the difference?” Suddenly, the woman with bared breasts appears. The man lets out a deep sigh. “Why does she come here to provoke us?”

I glance again at the LGBT flag adorning the façade alongside the French and European flags. Just above it, the word “Égalité” (Equality) is engraved in stone. And above that, under the fleur-de-lis, I read the inscription “Montjoie Saint-Denys.” It is the rallying cry of the royalists that I heard a few weeks ago during the latest demonstration by the Action Française in front of the statue of Joan of Arc. The situation is becoming truly complex. Is this a remake of the film “Les Visiteurs”?

I continue on my way, once again confronted with the prohibition of taking photos imposed by the security team. Other journalists also face this growing exclusion from the press. This time, I dismiss them. The police intervene, but I refuse to comply. Ironically, the last people who forbade me from taking photos were the Taliban.

I’ve had enough; I decide to return to my trendy neighborhood in Le Marais. At the local bistro, I meet a friend who asks for news. I briefly recount my escapade, and he bursts into laughter. He points out to me that all the pedestrian crossings in Le Marais are painted in the colors of the LGBT flag. He too wonders why this territory is being marked. Is it like an Indian reservation? He contacted the town hall to get some explanations but hasn’t received a response yet.

Laughing, he suggests that we paint the cobblestones of Rue des Rosiers blue to celebrate the fight against anti-Semitism, and then go to Barbès to paint the pedestrian crossings there in Islamic green, symbolically combating Islamophobia. I return home somewhat disappointed. In the end, this demonstration perfectly reflects certain social and cultural tensions within French society. The different communities intersected without truly engaging with one another. I was probably naive to think that dialogue was possible. One does not easily rid oneself of their culture or upbringing.

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Michel Setboun

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