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1980 Pologne voyage dans le temps

En 1980, la Pologne bascule. Changement de pouvoir. Lech Wałęsa surgit, charisme brut, moustache épaisse, poing levé. Une brèche s’ouvre dans le bloc soviétique. Pas encore l’effondrement, juste une fissure. Suffisante pour que l’air du large s’y engouffre.

Je le suis partout. Des semaines, des mois. Gdańsk, les chantiers navals, la foule qui scande son nom, la tension, la peur. Puis l’arrestation, la libération, les négociations fiévreuses dans des pièces enfumées aux murs défraîchis. Solidarność n’est pas encore une révolution, mais quelque chose remue, comme un grondement sous la glace.

Mais la Pologne de Wałęsa n’est qu’une facette. Derrière, il y a une autre Pologne. Celle des campagnes, des villes sans éclat, des rues où le temps s’est figé. Je veux voir cette Pologne-là.

Alors je pars. Vieille Lada poussive, moteur capricieux, volant dur. Des kilomètres avalés sous une lumière grise, une brume permanente qui efface l’horizon. Les routes sont bordées de forêts sombres, de villages endormis. Partout, la même sensation d’un monde en attente, suspendu entre deux époques.

Dans les campagnes, je découvre les marchés. Rien à voir avec nos étals débordants. Ici, c’est l’essentiel, le strict minimum. Des pommes de terre en tas, des bottes de carottes, des choux ternes, quelques bocaux de cornichons. Une femme au foulard noué vend du lait dans une bouteille de vodka rincée. Un homme tranche du lard sur une planche fatiguée. L’air sent la fumée de bois, le cuir humide, le charbon.

Et puis, il y a les marchés aux bestiaux. Des scènes venues d’un autre siècle. Je croyais ces images disparues, reléguées aux livres d’histoire, aux archives en noir et blanc. Mais ici, elles sont bien réelles. Dans une clairière boueuse, au petit matin, des hommes trapus, silhouettes épaisses dans la brume, négocient autour de vaches maigres, de chevaux nerveux, de porcs qui grognent enfoncés dans la paille. Ça marchande sec, ça palpe les flancs des bêtes, ça discute d’un ton rauque. Des billets passent discrètement de main en main. Rien de moderne, pas de formulaires, pas de registres. Un marché brut, archaïque, aussi vieux que l’élevage lui-même.

La vodka circule, un flacon entamé fait le tour d’un groupe. On boit à même la bouteille, on essuie le goulot du revers de la manche. Le froid pique, le jour peine à percer la brume. Un cheval refuse d’avancer, renâcle, on le frappe du plat de la main. Un veau tire sur sa corde, regarde autour de lui d’un air hébété. Les bottes s’enfoncent dans la boue, les rires sont rauques, épais. Ça parle polonais, ukrainien, un mélange rugueux qui grince dans l’air humide.

Puis retour à Gdańsk. La ville est double. D’un côté, l’industrielle. Les chantiers navals, les grues immenses, les docks où les ouvriers en casquette fument en silence. L’odeur de métal chaud, de mazout, de rouille. L’eau noire du port reflète les lumières jaunes des lampadaires. Partout, des carcasses de bateaux, des silhouettes massives, des structures d’acier rongées par le temps. Une ville qui crache sa fumée, qui résonne du fracas du fer contre le fer.

Et puis l’autre Gdańsk. L’ancienne ville, presque irréelle avec son architecture hanseatique, ses façades étroites ornées de motifs délicats, ses pavés polis par les siècles. Un décor qui semble appartenir à une autre époque, un autre monde. Des ruelles où l’histoire affleure à chaque pierre, chaque porte sculptée. Les cafés y sont petits, feutrés, chauffés par de vieux poêles en fonte. On y boit du thé brûlant dans des tasses épaisses, on parle bas, on observe.

C’est dans ce décor que je participe au tournage de L’Homme de fer d’Andrzej Wajda. Un film qui capte l’instant, qui fige cette tension insaisissable entre la Pologne d’hier et celle qui naît sous nos yeux. Les caméras tournent parmi les vrais ouvriers, les vrais chantiers. On ne joue pas, on documente. Les visages sont marqués, fatigués, mais habités par quelque chose de puissant. Une certitude, une détermination.

Tout ici a la texture d’un film du bloc communiste. Une dystopie sans futur éclatant, où l’histoire avance à petits pas, en silence. Mais sous la surface, quelque chose palpite. Un murmure, un frémissement. Comme si la Pologne retenait son souffle, prête à basculer, mais sans savoir encore de quel côté.

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Michel Setboun

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