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Pendant des semaines, j’ai suivi ces processions de la Passion au Guatemala. Une célébration troublante, un théâtre d’ombres et de lumière où le christianisme et l’animisme s’entrelacent en un ballet incantatoire. Ici, chez les Indiens, rien n’est ce qu’il semble être. Dans les églises, on croit voir des fidèles en prière devant un saint, mais leurs yeux fixent l’âne sculpté à ses pieds, ou le cheval figé dans le bois peint. Ce sont eux, les véritables icônes. Les créatures vivantes ont toujours plus d’importance que les figures humaines dans ce monde où tout est habité.

Les villages où ces rites prennent vie semblent hors du temps, figés dans une faille du réel. Rien à voir avec les processions d’Antigua Guatemala, théâtrales, saturées de touristes. Ici, autour du lac Atitlán, à Zunil ou plus loin encore, les choses se troublent. L’encens s’élève en volutes épaisses, brouillant les contours des visages. Les tambours résonnent comme des battements de cœur souterrains. On avance dans un labyrinthe de ruelles pavées, de murs usés, de regards fuyants.

C’est là, dans un recoin sombre, qu’apparaît Maximon. Pas dans les églises, mais dans une maison anonyme, une pièce enfumée où des hommes en chapeau veillent sur lui. Maximon, le saint indien, celui qui ne devrait pas exister mais qui règne pourtant dans l’ombre des crucifix. Il trône là, silhouette figée, l’air goguenard, un cigare entre les lèvres, une écharpe de soie autour du cou, vêtu comme un vieux caïd. Un saint qui fume, qui boit, qui accepte les offrandes d’alcool et d’argent avec l’indifférence d’un parrain mafieux. Un saint corrupteur et protecteur à la fois, capable du pire comme du meilleur. On le craint autant qu’on le vénère.

Autour de lui, les Indiens murmurent des prières secrètes, des demandes que l’on ne fait pas aux saints officiels. Maximon ne juge pas. Il est là pour ceux que l’Église rejette, pour les désespérés, les marchands d’illusions, les amants trahis, les bandits et les âmes perdues. Il est l’intercesseur des zones grises, des pactes inavouables, des équilibres précaires entre le bien et le mal.

Plus on s’enfonce dans ces villages, plus la frontière entre rite et réalité se brouille. On marche parmi des hommes aux visages impassibles, des femmes aux longues tresses ornées de perles, drapées dans leurs textiles aux couleurs brûlantes. Les motifs sur les étoffes semblent raconter une histoire ancienne, un secret enfoui que seuls ceux qui vivent ici comprennent. Une rumeur dit que Maximon change d’endroit chaque année, qu’on le transporte en procession à travers le village, de maison en maison, comme un clandestin sacré.

La nuit tombe. Les cierges vacillent. Le cigare de Maximon se consume lentement. Quelque chose de plus ancien que la Passion du Christ se joue ici. Un cycle qui ne s’achève jamais. Une attente muette, suspendue dans l’encens, dans le murmure des prières étouffées, dans le regard fixe de cet étrange saint indien qui semble, dans un coin de la pièce, sourire à l’obscurité.

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Michel Setboun

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